Une place pour chaque chose…

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On réduit souvent l’agencement en salle aux circulations. Elles sont effectivement la colonne vertébrale de l’aménagement, à condition de s’appuyer sur des choix judicieux en termes de mobilier, d’éclairage et même d’acoustique.

Lorsqu’un client pousse la porte d’un restaurant, il cherche à vivre une expérience. Ses sens sont en éveil et il faut les satisfaire. En premier lieu, il faut lui en mettre plein les yeux. Ce qu’il voit, sent et entend en entrant doit le charmer. Qu’il soit seul, en couple ou en groupe, il doit pouvoir trouver un coin tranquille ou une grande tablée pour l’accueillir. C’est là que l’aménagement de la salle est primordial et cela se joue dès l’entrée. « Dès le premier regard, le client doit pouvoir capter qui va s’occuper de lui, où il doit attendre, le tout sans déranger les clients déjà assis », indique Franck Parent, chef de projet coordinateur pour l’agence d’architectes Les Agenceurs, à Strasbourg. L’entrée doit être dégagée pour être accueillante et, autant que possible, cloisonnée ou écartée du reste de la salle. Cette question a été au centre du réaménagement du restaurant Perles de Saveurs, mené par Les Agenceurs. « On entrait directement sur le service et on tombait sur une table un peu punitive, rapporte Franck Parent. Du coup, nous avons changé l’entrée de place (la façade comportait plusieurs portes vitrées, NDLR) et nous avons revu l’ensemble des circulations. » Voilà en effet le fil rouge d’un bon agencement. Les circulations naturelles (vers l’entrée, vers le bar, la cuisine et les sanitaires) doivent être fluides pour faciliter à la fois une bonne satisfaction clients et un service sans accroc. Repenser l’espace participe à améliorer l’expérience client et, par ricochet, à booster le chiffre d’affaires. 

Avant – Après
À Perles de saveurs, Les Agenceurs ont déplacé l’entrée pour améliorer l’accueil des clients. 

 

Un client qui se sent bien est un client qui consomme. Et de ce point de vue, un autre élément est primordial : maîtriser le bruit. « L’acoustique fait partie des préoccupations des clients dans certains types d’établissement, notamment ceux où l’on passe du temps à table, note Éric Baumard, directeur technique chez TD Acoustic. D’après nos retours terrain, le ticket moyen augmente de l’ordre de 20 % lorsque le niveau sonore est bon. Et surtout, les clients reviennent. » Pour éviter l’effet caisse de résonance, des solutions d’absorption du son sont recommandées (lire en encadré ci-dessous). Toutefois, on ne néglige pas pour autant l’ambiance musicale. Elle contribue à l’aménagement sonore, crée une ambiance et invite les convives à baisser la voix sans qu’ils s’en rendent compte. 

La banquette comme atout

Parfois, on aimerait pousser les murs pour gagner quelques couverts, ou alors réduire les distances dans ce local si vaste. Là encore, tout est question d’agencement, « d’implantation », dans le jargon. « Nous  nous intéressons en premier lieu au type de restauration et donc de service, confirme Franck Parent, chez Les Agenceurs. C’est l’indicateur principal pour déterminer de nombreux éléments : la taille des plateaux de table, le type d’assises… Dans un restaurant gastronomique, le diamètre des tables sera de 80 cm au moins, alors que dans un snack ou une brasserie, c’est une autre ergonomie. Le choix des assises dépend notamment des horaires d’ouverture et du curseur de niveau de confort : veut-on garder les clients longtemps ou, au contraire, avoir une rotation des services ? » En matière d’aménagement, un élément de mobilier fait un peu office de couteau suisse : la banquette. Utilisée en U ou en L, elle permet de sectoriser un grand espace ; placée contre le mur, elle fait gagner de la place et donc des couverts. « C’est une bonne solution si le restaurant accueille souvent des groupes, pour éviter de déplacer trop de mobilier, note Franck Parent. Mais aussi pour éliminer des pieds de chaise, qui polluent visuellement. » 

À La Marée, à Port-Grimaud, CT Création a fait courir une banquette autour de la salle pour optimiser le peu de mètres carrés. 

Ⓒ Gaelle Lerebeller


Lors de son intervention à La Marée à Port-Grimaud, l’agence d’architecture et d’agencement CT Création a dû redoubler d’inventivité pour dégager trois couverts supplémentaires dans la petite salle de 20 places. « Tout le mobilier a été dessiné sur mesure pour tirer profit de l’espace au maximum. Des banquettes peu profondes, mais malgré tout confortables ont été installées sur la périphérie de la salle et dans les angles, notamment pour gagner des tablées plus grandes. Elles ont également permis de dissimuler des coffres de rangement derrière et dessous. »

Si la salle est très grande, pourquoi ne pas multiplier des espaces de nature différentes ? Des tablées, des coins salon, un bar assez ample qui structure la pièce, comme cela a été réalisé par l’agence CT Création dans le restaurant-bar Barrio Chicago à Toulon. « Cela correspondait à l’offre de restauration que le gérant voulait mettre en place, précise l’architecte Carl Tran. Nous avons dû composer avec les contraintes du lieu, sur deux niveaux, avec la cuisine à l’étage. Un espace a donc été dédié à la restauration à table sur ce niveau et nous avons panaché au rez-de-chaussée avec des espaces davantage dédiés à un temps apéritif. » 

L’architecte Carl Tran a dû composer avec les deux niveaux et les 280 m2 du Barrio Chicago au centre-ville de Toulon : si à l’étage, une salle de restaurant jouxte la cuisine, le rez-de-chaussée mixe les espaces bar, restaurant et salon. Ⓒ GLR photography – CT Création 

Les petits espaces ne sont néanmoins pas en reste, à condition, bien souvent, de faire appel à du mobilier sur mesure. « Pour tirer parti de la forme en trapèze du local de La Marée, nous avons également fait réaliser des tables de la même forme », précise Carl Tran. La restauratrice Olivia Lafon y a également eu recours pour les tables octogonales du Mojo Kitchen Bar, à Paris, qui accueille 50 couverts dans 72 m2, cuisine et sanitaires inclus. Pour accentuer la profondeur du lieu, l’agence Chzon, qui a pensé l’aménagement, a installé de grands miroirs aux murs et sur les plateaux de table, en écho aux larges baies vitrées. La lumière constitue en effet un atout considérable pour structurer un lieu. Qu’elle soit naturelle ou artificielle, elle doit être habilement utilisée. « Dans les petits espaces, on a tendance à épurer la décoration, mais je pense que c’est une erreur, estime Olivia Lafon. Nous avons fait le choix d’utiliser des papiers peints à motifs et des azulejos aux murs, des canapés, des miroirs, qui nous ont permis de sectoriser. » 

Les 70 m2 du Mojo Kitchen Bar ont été optimisés grâce à des tables gain de place octogonales, et la perspective renforcée par de grands miroirs. Ⓒ Mojo Kitchen

La cuisine a en partie été ouverte sur la salle et, pour pallier le manque de stockage, des aménagements ont été faits en hauteur. Dans une salle de restaurant, il y a souvent une table moins bien placée. « Il faut d’abord se demander si elle est vraiment utile, souligne Franck Parent. Si c’est le cas, il faut tenter de corriger sa mauvaise place, en y apportant un peu plus de confort par un muret isolant, par exemple, ou une banquette plus cosy. » Dans les restaurants de standing, cette place déclassée doit être évitée à tout prix. « Les clients payent pour une certaine qualité de service, ils doivent tous être aussi bien lotis. » Au restaurant strasbourgeois Umami, 19 couverts seulement, Les Agenceurs ont amélioré l’expérience en salle en déplaçant l’office au fond du restaurant, initialement installé à la vue des clients.
Pour offrir une prestation globalement agréable, des investissements sont donc parfois nécessaires pour ne pas se retrouver sur la touche. 

Chez Umami, l’office a été déplacé de la salle au fond du restaurant pour offrir le même confort à tous les convives. Ⓒ Les Agenceurs

Haro sur le bruit

TD Acoustic propose des projets plus atypiques pour traiter la réverbération du son. Ⓒ TDA 

Votre restaurant est accueillant, branché, les plats sont délicieux… Mais les clients ne s’entendent pas parler. Vous avez eu beau tout faire pour mettre les gens à l’aise, vous avez malgré tout oublié un élément fondamental : maîtriser l’acoustique.
Le bruit dans un restaurant ou un café est dû à plusieurs facteurs. Le nombre de personnes et l’activité, tout d’abord; la physionomie du lieu, ainsi que les matériaux du sol, des murs et du plafond, ensuite. En positionnant des capteurs ou des îlots absorbants au plafond, sur les murs ou en suspension, on réduit la réverbération responsable du brouhaha. « Une ambiance de bruit contenu ou le silence incite à parler moins fort. Dans un local où l’acoustique n’est pas traitée, on a tous tendance à parler plus fort », souligne Éric Baumard, directeur technique chez TD Acoustic. Les professionnels conseillent de traiter systématiquement un local du point de vue acoustique, car il existe toujours des conditions favorables à la réverbération: grande pièce, plafond haut, parois vitrées ou carrelage. « Dans chacun de nos projets, nous incluons systématiquement au moins 30 % de matériaux absorbeurs de son, notamment des revêtements en tissu ou du parquet à la place du carrelage », ajoute Franck Parent, chef de projet coordinateur pour l’agence d’architectes Les Agenceurs, à Strasbourg. En moyenne, il est nécessaire de faire recouvrir 45 % de surface, pour un coût de 60 € à 120 € le mètre carré posé. Et parce qu’acoustique rime avec esthétique, on trouve tous types de panneau, du plus discret (rectangle blanc sur plafond blanc), au plus exubérant, façon sculpture ou tableau arty. Pour sectoriser l’espace en salle, on peut miser sur la version claustra, mais « à coupler avec des modules au plafond. Pour être efficaces, les modules acoustiques doivent être répartis sur l’ensemble du local », conseille Éric Baumard.

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