Les trois principales régions vinicoles de rosé, à savoir la Provence (60 %), le Languedoc-Roussillon (20 %) et les Côtes-du-Rhône (10 %), sont celles que l’on retrouve le plus sur les cartes des restaurants. La Provence a imposé un style de rosé qui a conquis le marché avec un fruité léger,
des variations parfois autour des arômes de bonbon anglais et surtout un coloris ténu. Alors que les consommateurs français privilégient désormais les vins rosés à robe plutôt claire et peu soutenue, c’est donc tout naturellement qu’elle a pris la place de leader en CHR. « 37 % de nos volumes sont écoulés auprès des cavistes et CHR, l’une des forces de la région étant d’avoir été le seul fournisseur il y a 15 ans, avance Brice Eymard, directeur général du Conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP). Nous avons belle représentativité sur tout le territoire, même si nous accusons une légère baisse sur ce circuit car nous sommes montés en gamme. » Le porte-étendard de l’appellation en restauration reste le côtes-de-provence (75 % des volumes), plus valorisé que le coteaux-d’aix-en-provence et le coteaux-varois-en-provence, davantage orientés vers l’export. Les exportations des rosés de Provence ont d’ailleurs été multipliées par six en dix ans et absorbent désormais 38 % de la production. Cela a, bien sûr, une incidence sur les prix de ces vins qui constituent la référence en matière de rosé. On ne regarde plus les rosés comme des petits vins de soif et les tarifs de certains flacons n’ont plus grand-chose à envier à ceux des grands bordeaux.
Le rosé est une couleur historiquement ancrée dans la consommation des Français plus que dans d'autres pays. Photo Ⓒ CIVP
À grand renfort de marketing
De grandes fortunes françaises (Sacha Lichine au château d'Esclans, Roger Zannier au château Saint-Maur, Frédéric Biousse au domaine de Fontenille, Pierre Gattaz au château de Sannes, Vincent Bolloré au domaine de la Croix, et Bernard Teilhaud au château Sainte-Roseline) et internationales (Angelina Jolie au château de Miraval, Marc Dixon au château de Berne, et Charles Cohen au château de Chausse) ont ainsi investi dans le vignoble provençal en acquérant des crus classés qu’ils ont développés à grand renfort de marketing. Les bonnes affaires des châteaux de Provence ont été toutefois mises à mal par la crise du Covid-19. Particulièrement impactés par l'effondrement des marchés de l'export et par l’arrêt des débouchés en CHR, les rosés de Provence de la campagne 2019-2020 ont eu du mal à trouver preneurs. Le Conseil interprofessionnel des vins de Provence concède une baisse d’activité de 30 % durant cette période et vient de mettre sur la table 1,2 M€ pour relancer le vignoble, notamment à travers une opération de communication menée autour du slogan « On a tous besoin de Provence. » Au-delà de cette appellation leader des rosés, il faut aussi évoquer toutes ces régions qui en produisent historiquement, comme l’Anjou, mais aussi les tavels rhôdaniens, qui ont longtemps représenté un modèle avant de tomber en désuétude en raison de leur couleur orangée beaucoup plus prononcée. Il était temps de rappeler l’existence de ces vins de gastronomie trop injustement oubliés. Au mois de février, à Wine Paris, une nouvelle association, les rosés de terroir, a été constituée. Thomas Giubbi, son directeur général, indique qu’il souhaite ainsi « partager la richesse des expressions de nos terroirs, de nos savoir-faire, l’âme qui porte chacun nos vins et de promouvoir ainsi leur culinarité. » Le regroupement réunit une quinzaine de domaines. La moitié d’entre eux sont des producteurs de tavel, mais on compte aussi 8 acteurs de la Provence, 2 italiens, quelques vins du sud et enfin 2 champenois.