Rhum : Premium et écolo

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La production de rhum et l’écologie n’ont pas toujours fait bon ménage, et pourtant de nombreuses distilleries investissent aujourd’hui pour être plus en accord avec la survie et le bien-être de la faune et la flore locales et adaptent leurs méthodes de production aux énergies renouvelables. Dans le même temps, sa premiumisation est en marche.

Rhum Bacardi
Rhum Bacardi. Crédit photo : Bacardi.

Le rhum fait figure de poids lourd : il est le 2 marché à 1 point des whiskies en volume. Surtout, il poursuit sa progression en CHR avec une évolution de ses ventes de + 3,8 % (données Nielsen, Cam février 2020). Dans le top 3 des références les plus vendues en CHR, on retrouve dans l’ordre Havana Club (23,2 % de parts de marché en volume), Bacardí (15,4 % de PDM) et Saint James (10,7 % de PDM), selon les données Nielsen à la fin décembre 2019. « Le rhum continue de performer mieux que la plupart des catégories, notamment les rhums artisanaux et de dégustation qui suscitent beaucoup d’intérêt », analyse Edouard Beaslay, directeur marketing global de Diplomático.

« C’est un marché qui se premiumise avec un engouement de plus en plus fort pour les rhums ambrés et les rhums de dégustation, confirme Manuela Kemlin, marketing manager de Bacard í France, Italie, Grèce. Les clients sont attirés par leur profil rond (note de caramel, de vanille), les rendant plus faciles à boire que d’autres spiritueux comme le whisky. » Mais son engouement vient aussi du dynamisme de la scène cocktail car il est le premier alcool utilisé dans leur élaboration, dont « certains sont iconiques tels que le mojito, daïquiri et la piña colada qui sont les plus consommés dans les bars et restaurants aujourd’hui », poursuit-elle. Portée par une demande croissante, la tonicité de l’offre à destination du CHR ne faiblit pas, les opérateurs historiques se renouvellent et de nouveaux entrants font leur apparition. Une majorité a pour point commun d’être engagée dans un processus écoresponsable, mais joue également un rôle actif dans la premiumisation de ce spiritueux. Nous sommes partis à la rencontre des incontournables du secteur pour parler de leurs démarches et présenter leurs innovations. Tour d’horizon. 

Bacardí (Bacardí-Martini)

« Il est important aujourd’hui de comprendre les enjeux qui bousculent notre monde, les combats d’aujourd’hui et de demain. L’environnement est au cœur de nos priorités », annonce d’emblée Manuela Kemlin, marketing manager Bacardí France, Italie, Grèce. Il faut dire que Bacardí vient tout juste de communiquer sur son ambition d’ici à 2023 : la création de la bouteille la plus écologique qui se biodégradera en 18 mois.

« Il s’agit de la première bouteille de spiritueux biodégradable au monde. Nous substituons le pétrole brut contre de l’huile de graines : une véritable solution miracle pour lutter contre la pollution plastique. Nous éliminerons ainsi 3 000 tonnes de plastiques actuellement produites chaque année, et plus encore puisque nous partagerons notre technologie avec tout le secteur. » En outre, le groupe sensibilise également ses partenaires CHR pour limiter l’utilisation de plastique dans le service des cocktails. Plus largement, ses sites de production réussissent à transformer 99 % de leurs déchets pour leur donner une seconde vie, et il s’engage à être 100 % sans plastique d’ici à 2030. Bacardí est aujourd’hui la 2e marque de rhum la plus vendue en circuit CHR. Le lancement d’Anejo Cuatro, idéal pour réaliser les cocktails, lui a permis de développer son portefeuille de rhum ambré et de gagner du terrain, notamment à Paris où Bacardí est passé leader en CHR en rhum l’année dernière.

Bacardí Gran Reserva Diez, dévoilé l’année dernière, vient compléter cette gamme de rhums ambrés. C’est un spiritueux vieilli au minimum pendant 10 ans sous le soleil des Caraïbes dont la part des anges s’élève à 60 %. « Elle reste notre nouveauté phare puisqu’elle est la quintessence de notre savoir-faire. »

Lancé en 2019, Bacardí Gran Reserva Diez vient étoffer le portefeuille de rhum ambré de Bacardí.

Anejo Cuatro a permis à Bacardí de développer son portefeuille de rhum ambré.

Rhum HSE (distribué par Dugas)

L’écoresponsabilité fait partie des engagements de Rhum HSE. « On se conforme au cahier des charges de l’AOC Martinique, une exception mondiale dans l’univers du rhum agricole, qui a été visionnaire sur cette question », estime Cyrille Lawson, directeur du développement. Cela implique le traitement des vinasses et bagasses pour nourrir les sols : « On broie 50 000 tonnes par an, cela implique un gros volume. » Les cheminées retraitent également les fumées grâce à des chaudières adaptées, afin qu’elles se rapprochent le plus possible des vapeurs d’eau pour éviter la pollution de l’air. « Nous poursuivons notre déploiement national en nous appuyant sur cette typicité qualitative de l’AOC Martinique qui répond à la demande des consommateurs de produits bien faits et traçables.

En CHR, on a une demande croissante pour les rhums vieux, ce qui nous permet d’imaginer une stratégie spécifique pour ce circuit. »

De ce fait, le groupe propose la collection les Finitions du Monde, une gamme qui comprend des rhums vieux élevés dans différents types de fûts. Le dernier en date a bénéficié d’un élevage en fût de porto pendant huit mois, ce qui lui confère une rondeur et une belle gourmandise sur des notes de fruit noir et pruneaux. « C’est une production artisanale, de belle qualité qui révèle une variabilité de l’expression du terroir », explique Cyrille Lawson.

Une nouvelle finition en fût de porto vient enrichir la collection Finitions du Monde de Rhum HSE.

Diplomático (distribué par Dugas)

Diplomático est l’une des signatures très connues dans le monde du rhum.

D’origine vénézuélienne, il est produit au sein de Destilerías Unidas SA. La préoccupation pour l’environnement est constante : « Elle est profondément ancrée dans la philosophie de notre entreprise », renseigne Edouard Beaslay, directeur marketing global de Diplomático. « Cet engagement n’est pas nouveau, nous sommes certifiés ISO 14001 depuis 2009. On a un système qui recycle à 100 % nos déchets liquides et solides (cartons, verres…). Les eaux usées générées par la distillation sont ainsi traitées et utilisées comme fertilisant, mais aussi pour nourrir les troupeaux de buffles locaux » . Plus récemment, la marque de rhum a misé sur les énergies propres avec un générateur qui permet de réutiliser 80 % de la chaleur produite par la distillation. Le lancement à la fin 2019 de Selección de Familia traduit la volonté de Diplomático de hisser la catégorie du rhum premium dans les premiers rangs des spiritueux en France.

« L’Hexagone constitue notre premier marché au monde, et c’est là où nous avons réussi à y développer l’idée de ce rhum premium, alors qu’il y a quelques années la préférence alla it aux rhums d’entrée de gamme et moins âgés. »

Principalement à base de miel de canne (90 %), Selección de Familia est vieilli jusqu’à douze ans dans des ex-fûts de bourbon et de sherry, ce qui confère sa complexité.

Saint James et Depaz (Bardinet La Martiniquaise)

« Saint James a une très belle empreinte écoresponsable », commence Jean-Louis Denis, directeur commercial hors domicile Bardinet La Martiniquaise, un groupe français indépendant international qui dispose d’un large portefeuille de rhums. « Le cahier des charges de l’AOC Martinique ne permet pas d’aller vers une agriculture intensive, la récolte a lieu une fois par an manuellement, et on n’ajoute pas d’eau même en cas de sécheresse. » Mais la distillerie va aussi plus loin : tous les résidus de liquide de distillation sont traités de façon à obtenir une eau pure à 99 % qui sert à l’irrigation des champs et elle produit sa propre énergie avec des panneaux solaires photovoltaïques. Elle vient aussi de lancer un rhum blanc bio à 40 ° pour être travaillé en cocktail. « Quelques parcelles sont bio aujourd’hui, ce n’est pas un coup dans l’eau, mais réellement une trajectoire », soutient Jean-Louis Denis. Cet engagement reconnu fait de Saint James une référence dans le domaine des rhums agricoles de prestige en provenance de Martinique. « En 10 ans, nos volumes ont doublé en CHR », se réjouit-il.

Bardinet La Martiniquaise s’inscrit également dans la mouvance des rhums premium. Depaz, autre marque martiniquaise de son portefeuille, produit des rhums d’exception. Façonnés par le terroir particulier de la montagne Pelée à Saint-Pierre, des terres parmi les plus fertiles de la Martinique, un climat tropical réputé, une eau de source de montagne d’une pureté exceptionnelle et des sols de roches volcaniques, se conjuguent pour donner naissance à cette marque d’expert. Le dernier-né, Papao est un rhum blanc de dégustation issu d’une parcelle unique du même nom, récoltée en 2019 sur la côte Caraïbes. L’ensemble offre une longue persistance aromatique de cannes à sucre fraîches dans un bel équilibre.

Le premier Brut de Colonne Saint James est issu d’une récolte de cannes biologiques coupées en période sèche les 6 et 7 juillet 2020.

Les saveurs du rhum blanc Papao se développent tout au long de la dégustation, laissant une sensation florale et sucrée en bouche.

Les cannes à sucre du rhum Depaz sont cultivées sur les flancs de la Montagne Pelée au nord de la Martinique.

Rhum Bologne

Bologne, qui se trouve en Guadeloupe, présente deux particularités ; d’une part, elle est la plus ancienne de l’île car elle a été créée en 1887 et d’autre part, elle est très largement autoapprovisionnée en canne à sucre, entre 70 % et 80 % des besoins de la distillerie. « C’est une vraie originalité dans le monde de la distillation guadeloupéenne », souligne Thomas Leclere, directeur général. En tant que producteur, la distillerie s’intéresse à la meilleure façon de conduire la culture de la canne à sucre. Bologne a d’ailleurs obtenu le sésame bio, une première en Guadeloupe. Et c’est la canne jaune qui a été choisie dans le cadre de ce processus. Ainsi, la récolte 2020 de cette parcelle a permis d’élaborer le premier rhum bio de la Guadeloupe. « Le bio nous a permis d’avancer sur la maîtrise à terme de la non-utilisation d’herbicides, cela a été un véritable laboratoire », se réjouit-il. Si bien que la distillerie se lance dans la démarche haute valeur environnementale (HVE) avec pour objectif d’obtenir la certification de 100 % de la production d’ici à deux ans. D’autre part, Bologne valorise l’ensemble de ses sous-produits : la bagasse est brûlée dans une chaudière pour récupérer de l’énergie pour faire tourner les moulins, et la vinasse (vin appauvri en alcool) est traitée comme engrais organique pour les plantations. L’eau de la rivière qui passe sur les champs est enfin utilisée dans la réduction du taux d’alcool des rhums. « On est sur un circuit qu’on essaye d’être le plus fermé possible », conclut Thomas Leclere.

Bologne est la première distillerie de Guadeloupe à obtenir la certification bio. Une initiative débutée en 2017.

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