Miser sur le « happy hour »

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Moment de consommation festif, le happy hour est à la carte de bon nombre de bars et de pubs. Source de revenus incontournable pour certains établissements, il est encadré par des règles strictes.

La réouverture progressive de l’ensemble des bars et cafés a aussi marqué le retour des ardoises annonçant « l’heure heureuse » à presque tous les coins de rue. – 50 % sur toutes les pintes, cocktails à 6 €, pichet de sangria à prix doux… Ces écriteaux visent généralement les consommateurs d’alcool. Et pour cause, le happy hour est généralement indissociable de l’apéritif dans l’esprit de tous. L’expression en elle-même trouve d’ailleurs son origine dans la marine américaine, où le terme désignait familièrement le quartier libre des marins au début du XXe siècle. Avec l’arrivée de la prohibition dans les années 1920, les « cocktails hour » clandestins se multiplient, généralement avant d’aller dîner. La pratique arrive en France dans les années 1970 et rencontre progressivement le succès. Aujourd’hui, sur l’ensemble des bars et cafés que compte l’Hexagone, environ 15 % d’entre eux proposent une formule happy hour ou afterwork, selon Bernard Boutboul, président de Gira Conseil. « On a affaire à des cafés qui vont mal et peu d’entre eux veulent proposer ce type de formule. Mais on assiste à une évolution du concept happy hour : les restaurants ouvrent de plus en plus tôt pour se transformer en afterwork et proposer des apéritifs dînatoires ». Pour le directeur du cabinet d’études, ces transformations s’expliquent par les changements d’habitudes de consommation de certaines tranches d’âges : « Aujourd’hui, nous avons une génération de trentenaires qui veut grignoter voire manger de façon plus conséquente en plus des boissons, d’où le passage du happy hour à l’apéritif dînatoire, puis à l’afterwork. Dans ce cas de figure, les clients rentrent chez eux entre 20 h 30 et 21 h 30, en ayant déjà mangé. » L’offre solide a donc tendance à s’allonger durant ce moment de consommation. Exit le duo cacahuètes-bières : les clients recherchent des accompagnements plus consistants et plus goûteux. « Il y a beaucoup de propositions de planches, de tapas, de mezzés : des plats qui se partagent, conviviaux », énumère Bernard Boutboul. L’heure heureuse monte donc en gamme, avec des propositions de plats de plus en plus importantes.

Si vous décidez d’instaurer un happy hour au sein de votre établissement, plusieurs règles sont à connaître. Il est par exemple formellement interdit de ne proposer une réduction que sur les boissons alcoolisées, sous peine d’une amende de 750 €. La sélection de boissons proposées à prix réduits lors du happy hour doit impérativement comprendre des softs. Les concernant, l’article L. 3323-1 du CSP prévoit que l’étalage doit comprendre au moins 10 bouteilles ou récipients choisis parmi les sept catégories de boissons présentées : jus de fruits, jus de légumes, boissons au jus de fruits gazéifiées, sodas, limonades, sirops, eaux ordinaires gazéifiées artificiellement ou non et eaux minérales gazeuses ou non. La loi prévoit également que les réductions sur les boissons non alcoolisées « doivent être annoncées dans des formats et conditions jugées équivalentes à celles des boissons alcoolisées », sous peine là encore d’une amende de 750 €. Concrètement, cela signifie des affiches et des écritures de même taille, placées aux mêmes endroits, que l’offre porte sur une pinte ou un jus de fruits.

De plus, l’affichage doit normalement comprendre le prix de référence de la boisson en plus de son prix réduit durant le happy hour. Une fois que l’on détient les clés juridiques, reste à déterminer durant quel créneau horaire elle se déroulera. Beaucoup la proposent en fin de journée, généralement entre 17 h et 20 h. Pour Bernard Boutboul, ces horaires sont restrictifs : « Il ne faut pas marcher comme ça : il vaut mieux démarrer à 17 h et proposer cette offre non stop ! Il y a des gens qui sortent du travail à 19 h 30, pourquoi ne pourraient-ils pas en profiter ? D’ailleurs, les personnes qui viennent pour l’ afterwork viennent souvent aux mêmes heures que celles qui viennent dîner, ce qui est très bien, ça crée de l’ambiance. »

Quant aux boissons qui marchent le mieux, la bière arrive en tête des stars du happy hour, suivie de près par le verre de vin.

L’heure heureuse au temps de la Covid

Pour tous les établissements, la crise sanitaire a modifié bien des aspects de la vie quotidienne, et le happy hour n’y échappe pas. Chez les Tartes, café proposant une offre de restauration dans le premier arrondissement de Lyon, les horaires du happy hour ont évolué au gré de la crise. « Au début, on le proposait de 17 h à 20 h. Maintenant, nous l’avons positionné de 16 h à 19 h. Ce changement a été motivé par les heures d’hiver et d’été, mais aussi évidemment par le couvre-feu à 21 h, explique Floriane Husson, cofondatrice de l’établissement. Bien que les restrictions horaires soient terminées, on est restés sur du 16 h-19 h pour cibler aussi les jeunes qui sortent de l’école et qui voudraient boire un jus de fruits ou un soda, plutôt que se concentrer uniquement sur une clientèle d’afterwork. » En effet, les jus locaux et bio proposés à 3 € au lieu de 4 € durant l’heure heureuse font partie des meilleures ventes en happy hour de l’établissement, derrière les bières, mais devant les cocktails. Pour Floriane Husson, le happy hour permet de se faire connaître et de fidéliser la clientèle.

Même son de cloche au Hopstore, bar spécialisé dans la bière situé à quelques encablures de Chez les Tartes à Lyon « C’est un cadeau qu’on fait au client, cela nous permet de le fidéliser aussi, mais le fait de faire ce cadeau à un horaire donné à tous les clients – et pas uniquement ceux qu’on aime bien – est un vrai plus », affirme Claude Roberi, gérant et propriétaire de l’établissement. Au Hopstore, toutes les pintes de bière sont vendues à 5 € durant le happy hour, tandis que les softs passent de 4 à 3 € « On a gardé le créneau 17 h-20 h, et surtout on a tout fait pour maintenir le happy hour 7 j/7, car ce n’est pas au client de subir les conséquences du fait qu’on n’ait pas pu travailler pendant sept mois », conclut le gérant.

Maintenant que les établissements peuvent de nouveau accueillir en pleine capacité, le happy hour a encore de beaux jours devant lui. 

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