Les cuissons sur le grill

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Qu’on parle de goût ou de pratique culinaire, la cuisson est souvent au cœur du sujet. Horizontale ou verticale, quelles sont ses caractéristiques ? Qui sont les adeptes de l’une ou de l’autre, et pourquoi ? Nous vous proposons un match des cuissons.

(Photo Andrik Langfield / Unsplash)

A chaque âge d’or de la cuisine sa façon de cuire les aliments. La cuisine bourgeoise qui mijote dans les années 1950 a laissé place à la nouvelle cuisine dans les années 1970, emmenée par ses illustres chefs de file (Bocuse, Guérard, les frères Troisgros). On assiste à des changements profonds dans la manière de préparer les aliments, en témoigne le fameux saumon à l’oseille, escalopé pour être poêlé. Du jamais vu, mais toujours à l’horizontal. C’est au même moment qu’une poignée d’usines de matériel professionnel se lancent dans la fabrication d’un nouveau type de four qui combine convection et vapeur les fours mixtes. Rational sort son premier modèle en 1976, l’Italien Lainox en 1983. S’ouvre alors une nouvelle ère dans le rapport à la cuisson. « La cuisson verticale a apporté de la confiance et du temps, souligne Clément Barthélémy, chef de marché cuisson chez Electrolux professional. À ce moment-là, elle a été conçue comme une évolution de la cuisson horizontale. »

Clément Barthélémy

Les chefs se mettent à travailler autrement, pensent leur production différemment et adoptent les cuissons vapeur ou basse température. « Aujourd’hui, un restaurant qui fait plus de 50 couverts s’équipe automatiquement d’un four mixte », constate Éric Hallosserie, gérant d’Optima Energie, concepteur-installateur de cuisines professionnelles.

Le fourneau patrimonial

Malgré tout cet engouement, le feu vif n’a jamais disparu des cuisines. « Un chef souhaite un feu vif dans tous les cas, poursuit l’installateur. Après, certains se tournent désormais vers l’induction car la technologie est devenue très performante et parce que l’entretien est beaucoup plus simple qu’une table au gaz. »

La table de cuisson, peu importe son type, a au fond quelque chose de patrimonial. « Le fourneau, c’est aussi une image de marque du restaurant. Une espèce de conquête du Graal des chefs, un symbole de réussite professionnelle, poursuit Clément Barthélémy. On s’offre un beau fourneau sur mesure ou personnalisé par un grand fabricant du secteur. Certains chefs ou des groupes hôteliers et de restauration recherchent cette personnalisation jusque dans la cuisine. C’est un objet qui n’existe pas en cuisson verticale, puisque les fours sont des produits industrialisés qui sortent d’une chaîne de production. »

Le poids des tendances de consommation

La révolution en cuisine se fait aujourd’hui petit à petit, guidée par l’évolution des habitudes alimentaires (voir l’encadré ci-contre) et de pratiques plus vertueuses pour l’environnement. On cuit davantage à la vapeur, plus lentement, sans agresser le produit, plus sainement. On recherche des goûts nouveaux ou au contraire une maîtrise parfaite des grands classiques. « La question qu’on me pose le plus, c’est “ vaut-il mieux mettre un four 10 niveaux ou 2 x 6 niveaux ? ”, remarque Clément Barthélémy.

Aujourd’hui, les gros fours permettent de produire 80 % d’une carte environ. Le reste correspond à des plats qui répondent à des régimes spécifiques et qui sont donc préparés en plus petite quantité. » Les modes de cuisson nécessaires pour réaliser des recettes végétariennes ou pour cuisiner les produits autrement sont parfois très différents et demandent d’adapter le matériel. « Une rupture technologique peut apparaître chez des chefs qui ont appris à cuisiner de manière très classique au moment où ils souhaitent changer de matériel. Ils sont parfois désarmés face au potentiel des fours mixtes ou à la puissance des plaques induction. » Et même chez les jeunes chefs, la culture du fourneau reste bien présente. Lors de la rénovation de la cuisine à la brasserie Baltard au Louvre, à Paris, le chef Ewout Vranckx n’envisageait pas de se séparer du vieux piano à gaz installé là bien avant son arrivée. Si une cuisine d’envoi équipée de plaques à induction et d’un four mixte facilite le service, le fourneau supplante la braisière pour les cuissons longues et les mises en place. Ce qui met en exergue une complémentarité entre l’ancien monde et le nouveau monde de la cuisson. Et vous, dans quel camp êtes-vous ?

Les tendances et la cuisson

L’induction

Le meilleur rapport puissance-consommation-réactivité. On considère qu’une plaque à induction peut fournir 40 % de puissance en plus que le gaz. Elle améliore aussi le confort thermique en cuisine.

Le four mixte

Un allié pour la production, surtout si les volumes sont importants. Le four mixte est sans doute le matériel qui condense le plus d’intelligence technologique. Les fabricants développent des fonctions pour les rendre toujours plus autonomes et précis dans la gestion des cuissons, même sur des produits différents cuits simultanément. Le four mixte apporte une maîtrise de la qualité de cuisson tout en optimisant son temps. Sa limite, la finition n’est pas son fort.

La plancha

La cuisson se fait par contact, elle est rapide et préserve à la fois les saveurs et les qualités nutritionnelles des produits, sans ajout de matière grasse. C’est un mode de cuisson dans l’air du temps. La plupart des aliments peuvent être cuisinés à la plancha, ce qui en fait un matériel rentable et réactif, d’autant que la zone de chauffe couvre l’ensemble de la plaque, à condition de choisir un modèle avec une rampe de chauffe et non circulaire. Pour un usage professionnel, il est conseillé de s’orienter vers un modèle tout inox (plus durable) muni d’une plaque de 7 mm d’épaisseur au minimum pour résister à un usage répété. L’entretien est par ailleurs plutôt aisé.

La cuisson sous-vide

Plébiscitée à la fois pour le respect du produit lors de la cuisson que pour prolonger la durée de vie des portions. Par ailleurs, l’achat d’un thermoplongeur n’est pas un investissement trop important.

Le gril

Retour appuyé, au cours des dernières années, vers un mode de cuisson plus brut et plus authentique. « Nous avons eu pas mal de demande pour des fours à charbon de bois, type roba ta japonais, souligne Éric Hallosserie gérant d’Optima Energie, concepteur-installateur de cuisines professionnelles. Ce type de matériel impose cependant quelques contraintes réglementaires liées à l’extraction, notamment dans des grandes villes comme Paris. »

Le match

Team cuisson verticale

Claire Vallée, cheffe d’ONA, restaurant végétal à Arès (33)

« Je travaille principalement le légume, donc je fais beaucoup de cuissons vapeur, à basse température ou je les rôtis sur plaque et pour cela j’utilise beaucoup mon four mixte. La température est très précise, c’est indispensable pour ce type de cuissons.

J’aime aussi apporter un côté fumé à mes plats et je réalise pas mal de fumages. Pour amener de la texture, je suis assez adepte des cristallines obtenues au déshydrateur. »

SON MATÉRIEL FAVORI : UN FOUR MIXTE ET UN DÉSHYDRATEUR

Team cuisson horizontale

Alexandre Hurson, champion de France du barbecue, démonstrateur culinaire à Saint-Dizier (52) « Le barbecue, comme le fourneau à gaz, offre une certaine liberté et la sensation de maîtriser le feu. C’est un sentiment assez primaire, mais que beaucoup de chefs comprennent.

Cuisiner sur la braise demande de la maîtrise parce que c’est une cuisson indirecte, pas au contact de la flamme. Il y a un nouvel engouement pour ce type de cuisson en restaurant car les chefs apprécient le côté authentique du goût de fumée. Et il est impossible de le retranscrire autrement qu’avec un barbecue. En cuisine, les barbecues à couvercle, notamment les kamados, sont très populaires, surtout pour la cuisson des légumes. Ils permettent de griller, de fumer, de rôtir et même de cuire à la vapeur comme dans un four. Pour le côté sécurité, on peut aussi se tourner vers une plancha électrique, qui permet d’ailleurs de développer des cuissons encore plus subtiles. »

SON MATÉRIEL FAVORI : UNE PLANCHA AU FEU DE BOIS

L’arbitre

« Le choix du mode de cuisson dépend essentiellement de la finesse attendue pour le rendu final. La cuisson horizontale a un côté plus minutieux, plus symptomatique d’établissements qui ont un petit nombre de couverts, des étoilés. Son avantage, c’est sa polyvalence, mais c’est aussi son défaut ! Pour avoir différents rendus, il faudra nécessairement différents outils. Par exemple, une viande qui est d’abord cautérisée doit ensuite être cuite à cœur, en parallèle, on réalise une sauce ou un accompagnement. Tout cela demande beaucoup de manipulations… et de vaisselle. Un aspect non négligeable en cuisine. De ce point de vue, le point va au four, autonettoyant, et à ses bacs GN, plus simples à entretenir. Un four mixte, contrairement à la cuisson horizontale, permet aussi un suivi précis de l’HACCP. Le fourneau a l’avantage de pouvoir être utilisé seul, mais on trouvera rarement des chefs qui utilisent seulement un four mixte. Celui-ci apporte une capacité de production, une maîtrise des cuissons, mais il ne permet pas de précision d’un point de vue visuel. C’est pour cela que les deux sont vraiment complémentaires en cuisine. »

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