Sur LCI, Bruno Le Maire avait dit attendre de la part des assureurs « au moins un gel des primes d'assurance pour tout le secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration », menaçant de ponctionner 1,2 milliard d'euros s'ils n'acceptaient pas. Dans la foulée, le directeur général d'Axa France, Jacques de Peretti, s'était insurgé : « Il est scandaleux d'avoir à subir un tel chantage ».
Un chantage finalement pas si scandaleux ?
Pourtant, à l'issue de l'entrevue de ce lundi 7 décembre, les assureurs ont accepté, sans contrepartie visible, d'enfin jouer leur rôle dans la pandémie et de geler les cotisations des contrats d'assurance multirisque professionnelle pour 2021.
En outre, ils acceptent de conserver en garantie ces contrats pour celles de ces entreprises qui connaîtraient des retards de paiement des cotisations dans le contexte de la pandémie et ce pendant le 1er trimestre 2021, et de mettre en place gratuitement pour 2021 une couverture d’assistance en cas d’hospitalisation liée à la Covid-19 pour les chefs d’entreprise et leurs salariés dans le cadre de ces contrats.
Une médiation pour gérer les conflits
Plutôt que d'embouteiller les tribunaux de commerce, le ministre a souhaité l'interviention de la Médiation de l'assurance entre assureurs et restaurateurs pour gérer les cas de litiges contractuels.
À noter, que la médiation agira notamment en cas de désaccord sur l’évolution des garanties contractuelles, de refus de renouvellement des couvertures ou de résiliation de contrat, quelle que soit la date à laquelle le contrat a été souscrit (hors assurances grands risques)
Les assureurs pourront décliner l'entrée en médiation sur les réclamations sérielles pour lesquelles les tribunaux sont déjà saisis.
Prise en charge du risque sanitaire ?
Enfin, dernier de ces travaux demandés par le ministre, les assureurs devront finaliser leur réflexion pour assurer une couverture des risques sanitaires exceptionnels, en privilégiant dans un premier temps des solutions individuelles et facultatives de gestion du risque permettant de renforcer la résilience des entreprises et leur capacité à affronter des crises de grande ampleur sans rigidifier leurs charges.
Les syndicats n'y croient pas et demandent une enquête parlementaire
« Pour le GNI, l’engagement des assureurs de geler les primes d’assurances ne suffit pas et de loin ! », lance le Groupement National des Indépendants de l’Hôtellerie & de la Restauration en préambule de sa réaction. Le syndicat déclare ne pas faire confiance aux assureurs, qui « n’ont déboursé qu’un tiers de ce qu’ils auraient dû payer, les deux autres tiers étant économisés aux frais de l’État et de nos concitoyens », insiste-t-il.
Dans la foulée, le GNI demande la création d'une commission parlementaire pour mener l'enquête sur la réalité des engagements pris et tenus par les assureurs. « Il doit être mis fin à l’opacité dont s’amusent les assureurs au détriment des hôteliers, des cafetiers, des restaurateurs, des discothécaires et des traiteurs organisateurs de réceptions. Il faut les contraindre à livrer les informations demandées et à assumer leurs responsabilités. J’en appelle aux parlementaires pour qu’ils se saisissent de ce dossier brulant », conclut Didier Chenet, président du GNI.
Ces questions qui restent en suspens
Après s'être montrés scandalisés par le « chantage » du ministre, comment ce dernier a-t-il amené les assurances à accepter l'ensemble de ces mesures, et notamment le gel des primes pour 2021 ? Existe-t-il des contreparties au deal conclu à Bercy ce lundi 7 décembre ?
Enfin, comment la prise en charge du risque pandémie sera-t-elle définie dans le futur ? Bruno Le Maire a parlé pour cela de travaux à « finaliser », sous-entendant par là même que les assureurs avaient commencé à plancher sur une prise en charge du risque sanitaire dans les contrats multirisques professionnels. Or, d'après les informations recueillies par La Revue des Comptoirs, notamment de la part de l'avocat spécialisé Guillaume Aksil, la tendance actuelle allait vers le retrait des notions d'épidémie et de pandémie du périmètre de garantie des assurances. C'est d'ailleurs en ce sens que va l'avenant envoyé par Axa à ses assurés en cette fin d'année 2020. Affaire à suivre.