Le papier résiste, l’air contre-attaque

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À l’heure où l’hygiène est presque devenue une obsession, la solution proposée aux clients pour se sécher les mains en sortant des sanitaires pourrait bien se révéler un enjeu de satisfaction. La bataille fait rage entre les fabricants de sèche-mains à air et ceux d’essuie-mains, mais une solution vaut-elle mieux que l’autre ? Décryptage.

S’il y a bien une chose sur laquelle les différents acteurs du séchage des mains sont d’accord, c’est qu’il faut encourager le lavage des mains et un séchage optimal ! « Des mains humides propagent jusqu’à 1 000 fois plus de bactéries que des mains sèches », relèvent d’une seule voix les protagonistes du secteur. Mais c’est là que s’arrête l’harmonie du discours concernant les solutions pour le séchage des mains, les études sont en effet multiples et se contredisent tout aussi régulièrement. D’un côté, les partisans du sèche-mains à air chaud revendiquent une solution peu chère et plus écoresponsable, de l’autre côté, ceux de la version à air pulsé mettent également en avant des filtres antibactériens pour garantir un air pur, quand les défenseurs de l’essuie-mains à usage unique en papier démontrent les bienfaits du frottement pour éliminer les derniers micro-organismes. Face à ce brouhaha, quelle solution faut-il installer dans les sanitaires de votre établissement ?

La polémique sur les sèche-mains

Sur ce marché très concurrentiel, les arguments contradictoires brouillent la compréhension des enjeux derrière le séchage des mains. Les recommandations officielles insistent pour leur part sur la nécessité de ne pas oublier cette étape. « Séchez-vous les mains avec une serviette propre ou à l’air libre », peut-on lire sur le site de Santé publique France ; « Essuyer et sécher les mains à l’aide d’un papier essuie-mains à usage unique, refermer le robinet avec le papier et le jeter » , recommande de son côté l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) ; « Sécher soigneusement les mains avec une serviette à usage unique. Fermer le robinet à l’aide d’une serviette », indique l’Organisation mondiale de la santé. Si l’ensemble de ces prescriptions ne mentionne pas l’utilisation du sèche-mains à air, faut-il pour autant le pointer du doigt ?

Les sèche-mains à air pulsé, comme le Dyson Airblade, séduisent pour leur côté économique et garantissent une sécurité hygiénique accrue.

La part de ces dispositifs reste aujourd’hui minoritaire dans les sanitaires en France, de l’ordre de 20 % du parc, selon Simon Pienne, directeur marketing du fabricant français JVD. Selon lui, la polémique sur le manque d’hygiène de ces appareils n’est pas fondée, s’appuyant notamment sur une étude menée par JVD – Harris Interactive en 2018, montrant que 40 % des Français préfèrent le sèche-mains, notamment pour son faible impact environnemental. Chez JVD, les appareils sont par ailleurs équipés de filtres à air en cuivre antibactériens. « C’est se tromper de combat que de pointer le manque d’hygiène dans les sanitaires car c’est un endroit globalement assez aseptisé puisqu’il est nettoyé très régulièrement. Il y a plus de risque à toucher une poignée de porte qu’à se sécher les mains. »

De récentes études, menées aussi bien par des partisans du sèche-mains (Dyson) que par ceux qui sont contre (Tork), ont montré que depuis le début de la pandémie, ces équipements électriques suscitent plus d’inquiétude auprès des consommateurs, surtout lorsqu’il est nécessaire de toucher un bouton pour l’activer (35 % des interrogés 1) et la crainte de se sécher les mains avec de l’air sale (30 % des interrogés 1). Une défiance que Tork relève 2 aussi au profit des essuie-mains papier, perçus comme « plus hygiéniques (80 %), permettant de se sécher les mains plus rapidement (42 %) et propageant moins de bactéries (39 %) ».

Mais sur ce dernier point, Dyson dément catégoriquement. « On parle beaucoup du fait que les sèche-mains disperseraient les bactéries par un effet d’aérosol, note Emmanuelle Closet, communication executive beauty & health chez Dyson. Nous venons de réaliser une étude comparative en conditions réelles, avec un laboratoire indépendant 3, qui montre qu’il n’y a absolument aucune différence de ce point de vue entre nos sèche-mains Airblade et un essuie-mains. Par ailleurs, 99,95 % des virus et bactéries sont retenus dans le filtre Hepa [un maillage de neuf couches en papier qui assainit l’air de séchage, NDLR] et nos dernières générations d’appareils ne demandent pas de placer les mains au milieu du sèche-mains, il n’y a aucune surface de contact. » Ce qui par ailleurs rassurerait 55 % des utilisateurs.

Après l’avoir mis en place en Allemagne et aux Pays-Bas, Tork pourrait adapter son système de revalorisation d’essuie-mains usagés, Tork Paper Circle, en France.

Et en pratique ?

« La Covid a vraiment chamboulé les attentes et les habitudes des utilisateurs. La notion d’environnement hygiénique est devenue cruciale, au même titre que dans l’industrie agroalimentaire ou dans les hôpitaux. La perception des clients par rapport à cela a vraiment changé alors que les restaurateurs avaient déjà cette exigence, notamment en cuisine », souligne Samy Ben Jazia, responsable communication et marketing chez Tork. Si on peut raisonnablement penser que le sans contact fera désormais partie des exigences des consommateurs, les deux solutions de séchage sont disponibles dans ce mode. Pour les essuie-mains, le feuille-à-feuille est l’idéal et il a pour lui une certaine réactivité. « Il faut trois secondes pour prendre un papier, puis on peut se déplacer en se séchant les mains, cela permet une fluidité qui n’est pas possible avec d’autres modes de séchage, souligne Samy Ben Jazia. Idéalement, on recommande de prendre un essuie-main pour ouvrir la porte. En plaçant une poubelle près de la sortie, on incite les gens à le faire. »

Les distributeurs de feuilles prédécoupées en rouleau sont une alternative, bien que moins économes. « L’économie est d’environ 25 % par rapport à un jumbo. Et en cuisine, on atteint même 35 % en évitant l’effet “moufle” avec les dévidoirs », ajoute-t-il. Seul bémol, le volume de déchets générés et les poubelles débordantes qui peuvent être contre-productives. Si de nombreux fabricants font des efforts pour utiliser de la matière première recyclée ou écoresponsable, la circularité n’est toujours pas aboutie en France, puisque les essuie-mains usagés sont incinérés au même titre que les ordures ménagères. En Allemagne et aux Pays-Bas, Tork a développé Tork Paper circle, un cercle de collecte des essuie-mains usagés qui sont recyclés en nouveaux produits papier. Il devrait arriver sur le marché français, le temps de fédérer un réseau de partenaires.

De leur côté, les sèche-mains à air dernière génération sont tout aussi simples à utiliser sans contact et revendiquent une rapidité de séchage en amélioration : 10 secondes pour le Dyson Air Blade, 10 à 15 secondes pour les modèles Exp’air et Copt’air de JVD par exemple. Mais leurs arguments phares sont en faveur d’un impact moindre sur l’environnement et d’un prix plus compétitif que les essuie-mains. « Les restaurateurs sont finalement assez peu attentifs au coût que représente leur équipement de séchage des mains, alors qu’ils sont plus regardants sur celui des serviettes de table ou des produits lessiviels. Pour un établissement qui compte 50 à 100 passages par jour dans les sanitaires, le ratio est de 5 à 10 en faveur du sèche-mains », avance Simon Pienne, directeur marketing de JVD. La marque vient d’ailleurs de lancer une offre de location à partir de 10 € par mois.

Par ailleurs, le choix du type d’appareil et son emplacement ne doivent pas être laissés au hasard. Les sèche-mains à air pulsé, s’ils sèchent rapidement, sont aussi plus bruyants que ceux à air chaud. C’est pour cela qu’il est plutôt conseillé de les installer dans des lieux assez vastes et bien isolés de l’espace de restauration pour ne pas indisposer toute la salle ! Ils ont également l’avantage d’éviter l’égouttage des mains sur le sol pendant le séchage. Des récupérateurs d’eau sont intégrés à l’appareil et doivent être vidés régulièrement. JVD a de son côté mis au point des appareils intégrant des filtres en cuivre antibactérien pour traiter l’air, quand Dyson communique volontiers sur son filtre Hepa multicouches. Dans un cas comme dans l’autre, un entretien régulier des appareils est nécessaire pour garantir une hygiène optimale pour le public.

Notes

1 Étude Dyson, septembre 2020.

2 Étude Tork, septembre 2020.

3 Étude Dyson menée par le laboratoire britannique Airmid Health group.

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