La Creuse, entre résilience et résurgence

La restauration en Creuse n’a pas forgé son identité autour de plats iconiques, de grands noms de la gastronomie ou des étoiles Michelin. Ici, l’humain et la proximité sont les valeurs premières qui font des restaurants creusois des établissements uniques, chaleureux, entre terroir et paysages.

Le Château de Crozant, joyau du nord de la Creuse.
Le Château de Crozant, joyau du nord de la Creuse. Crédits : La Revue des Comptoirs.

Deuxième département le moins peuplé de France, la Creuse continue de porter comme un fardeau sa réputation de territoire au centre de la diagonale du vide. « Vacances en Creuse, vacances heureuses », oui mais « vacances ailleurs, vacances meilleures » : cette ancienne campagne de communication, tournée en dérision à l’époque, décrit bien les difficultés du petit département du Limousin à se faire connaître, et reconnaître.

« L’idée qu’on a de la Creuse, c’est qu’on manque de dynamisme économique, mais cela tend à changer », assure Stéphane Nougier, délégué de l’Umih 23 et président des Toques blanches creusoises. Depuis quelques années déjà, les sports nature, les lacs, les rivières et les forêts préservés et le prix de l’immobilier particulièrement bas attirent de plus en plus une clientèle extérieure, touristes de passage ou habitants des grandes villes achetant une maison secondaire dans le département. L’appel du Gouvernement à consommer français lors des vacances d’été 2020 a fait exploser la fréquentation touristique.

« L’année dernière, on a eu beaucoup de monde sur le territoire à cause ou grâce à la crise, explique Stéphane Nougier. La saison a été très courte, de juin à fin octobre, mais pendant la période d’ouverture ça a très bien marché. On espère voir le phénomène se reproduire cet été. Dans les années qui viennent, peut-être que notre département et d’autres qui étaient un peu raillés ces dernières années vont tirer leur épingle du jeu. »

Le président des Toques blanches creusoises estime cependant qu’il n’existe pas d’identité creusoise dans la cuisine : « Travailler les produits locaux dont la viande, c’est ce qui fait la restauration ici. On est un pays d’élevage, entre le bœuf évidemment, mais aussi le veau sous la mère, le porc, ou encore l’agneau chez nos voisins de la Haute-Vienne. La restauration est aussi variée selon la personne qui la fait. On travaille tous de manière différente, on a nos propres sensibilités, notamment chez les Toques blanches. » À Paris, Bordeaux ou Lyon, cuisiner local est devenu « tendance ».

En Creuse, c’est une évidence. Pommes de terre, fruits rouges, du maraîchage à l’élevage, les cuisiniers fondent leurs menus sur les produits locaux et de saison, rendant ainsi leur cuisine unique en son genre. L’ADN du restaurant creusois est dans sa proximité avec sa clientèle. On s’y tutoie par endroits, on aime y revenir, notamment l’été, lorsque les terrasses se remplissent.

Autre force du secteur, sa résilience, alors que les restaurateurs sont habitués à avoir peu de clientèle hors saison. Les charges, les approvisionnements, le personnel, tout est pensé dans l’optique de limiter les coûts au minimum. Une résilience bien utile durant cette crise de la Covid-19, comme le justifie Stéphane Nougier : « On a l’habitude d’avoir des creux dans la fréquentation, les charges fixes sont bien moindres qu’à Paris ou Bordeaux, et ça devient un avantage dans cette période. On dépend pas mal de la saison, avec des mois très creux naturellement en hiver. Donc on fonctionne avec peu de salariés et des modèles économiques plus petits. »

Auteur : Vianney Loriquet