La consigne, nouvel eldorado du CHR

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Le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit. En juillet dernier, l’ex-secrétaire d’État à la Transition écologique, Brune Poirson, a sommé les principaux acteurs de la livraison de réfléchir à un plan zéro déchet. En tête des projets en développement, la consigne prend de l’ampleur dans la restauration et des réseaux s’organisent pour assurer la logistique.

« Le retour de la consigne n’est pas un sujet nouveau, […] reste à s’en saisir, faisait remarquer Florentin Letissier, adjoint à la maire de Paris, chargé de l’économie circulaire, de l’économie sociale et solidaire et de la contribution à la stratégie zéro déchet, à l’occasion d’un billet dans La Tribune le 8 janvier dernier. Il faut maintenant accompagner les professionnels pour enclencher un changement d’échelle, sortir de l’expérimentation pour aller vers une généralisation de la consigne pour le réemploi des emballages. » La transition vers la consigne demande un changement en profondeur des habitudes, tant du côté de la clientèle que de celui des restaurateurs. Du côté des consommateurs, 75 % des moins de 35 ans * sont prêts à prendre leurs boissons à emporter dans des gobelets réutilisables, dans des bouteilles consignées ou à ramener leurs propres contenants. Pourtant, seuls 21 % des restaurateurs proposent l’une de ces possibilités. Il faut dire qu’à titre individuel, mettre en place des contenants consignés dans un restaurant demande beaucoup d’organisation.

Laure Béguin, fondatrice des enseignes Umami Matcha Café à Paris, en fait l’expérience depuis plus d’un an dans son coffee-shop du 17 arrondissement, Umami Matcha Café to go. « Je voulais absolument limiter le gâchis énorme des emballages, déclare-t-elle. J’ai investi dans 200 boîtes de la marque Monbento et nous faisons deux types de mise en place le matin, une avec des emballages classiques, l’autre dans les bentos. Je ne gagne absolument pas d’argent sur ce service et c’est une énorme organisation en cuisine entre le stockage des boîtes et le lavage. Mais je voulais agir face à cette montagne de déchets générée par la vente à emporter. » D’autres acteurs du secteur suivent le mouvement et un premier pas a été franchi le 15 février dernier avec la signature de 19 des principaux acteurs de la livraison, comme Uber Eats, Deliveroo, Stuart, CoopCycle, Popchef, Frichti ou Metro et Arc, d’une charte comprenant 10 engagements. Parmi eux : réduire à 50 % les emballages livrés sans plastique à usage unique d’ici au 1er janvier 2022, puis 70 % d’ici au 1er janvier 2023, bannir les sacs en plastique pour la livraison ainsi que les couverts et des sauces dès le 1er mars 2023 ou encore permettre aux restaurateurs partenaires d’atteindre 100 % de contenants et d’emballages recyclables dès le 1er janvier 2022. Parmi les signataires figurent également plusieurs acteurs de la consigne, dont le développement s’organise autour de plusieurs start-up.

À Montpellier, la start-up Loopeat propose un système de consignes avec des boîtes recyclées et recyclables. Pour les restaurateurs, le fonctionnement est très simple : ils n’ont qu’à remplir la boîte réutilisable du client.

Mutualiser la logistique pour essaimer la consigne

Plusieurs entreprises ont investi le marché et commencent à structurer un écosystème où tout reste à faire. Elles s’appellent Pyxo, Barepack, Reconcil ou encore Greengo (voir p. 40) et réfléchissent à un avenir sans emballages à usage unique. Elles sont toutes membres de l’association Réseau consigne, et bien que chacune propose son propre système, la mutualisation de leurs ressources permet aux consommateurs de retourner les contenants sales dans n’importe quel restaurant proposant le service.

En livraison, la plateforme éthique resto.paris propose déjà ce système avec le réseau Reconcil ou en propre pour certains restaurants. Celle-ci pourrait également mettre à profit son réseau d’établissements pour matérialiser de futurs points de collectes des contenants. « Nous avons intérêt à avancer tous ensemble pour que la transition se fasse le plus en douceur possible pour les restaurateurs, comme pour les consommateurs, souligne Benjamin Péri, cofondateur de Pyxo. C’est en mutualisant et en interconnectant les réseaux de consigne que l’on parviendra à réduire les coûts inhérents à cette transition, et notamment la logistique. »

Si sur le papier la consigne est la solution idéale pour mettre fin au tout jetable, sa mise en place demande des changements importants pour permettre la viabilité du modèle économique. Chez barePack, on mise surtout sur les restaurateurs pour qu’ils soient prescripteurs. « Il faut qu’on atteigne une masse critique de restaurants pour que ça débloque quelque chose chez les consommateurs », note Nicolas Piffeteau, manager de barePack France. La balle est désormais dans le camp des CHR et de leurs clients.

Note

* Étude « Les pratiques RSE dans les CHR », Institut Ifop pour C10, septembre 2020.

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