« Je peux compter sur ma commune et sur mon maire »

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Touchés en plein envol, Damien et Aurélie Migeon ont dû fermer leur restaurant La Cheminée, à Châteauroux, le lendemain de son ouverture. Ils racontent.

Remonté contre l’État

« Nous avons ouvert La Cheminée le vendredi 13 mars pour fermer le samedi 14 au soir. On a décidé de maintenir notre activité – en vente à emporter uniquement – pour pouvoir sauver les meubles et payer nos charges et nos quatre salariés, tous placés au chômage partiel. Quinze jours se sont écoulés avant que nous obtenions nos codes d’accès. Mais ce n’est pas normal : on nous dit de mettre les gens au chômage partiel pour limiter la saturation du pôle emploi. Si demain je licencie pour motif économique, ils iront chez Pôle Emploi et ne dépendront plus de la Direccte : l’État devra les payer, sans qu’on avance les frais. En plus de nous utiliser comme tampon de gestion administrative, l’État se sert dans notre trésorerie pour sauver la sienne. Si nous payons nos charges, c’est aussi pour que le salarié puisse accéder au chômage à un moment donné.

J’ai mis 20 000 € de ma poche dans le restaurant et j’ai emprunté 210 000 €. Nous sommes moi et ma femme Travailleurs non salariés, et nous ne nous payons pas. Comment allons-nous faire ? Il y aura plein d’astérisques dans les conditions des aides : je ne fais pas confiance à l’État quant au soutien de nos entreprises. Ils vont vouloir payer tout le monde, mais quand il y aura délais, certains vont fermer et ne pourront pas accéder aux aides. En revanche, je peux compter sur ma commune et sur mon maire, qui fait un travail formidable à Châteauroux. En plus d’avoir pris des mesures pour permettre aux sdf d’être hébergés, il a répertorié tous les commerces encore ouverts dans la ville et à relayer la liste pour inciter les habitants à s’y rendre. »


Travailler d’arrache-pied pour survivre

« On travaille de 8h30 à minuit, sept jours sur sept, à raison de 14 services par semaine : certains midis on ne fait que 150 € de recettes, mais c’est toujours ça de pris. En temps normal, notre restaurant est spécialisé dans les plats cuisinés au feu de bois : plats régionaux, des magrets… je ne travaille que du frais, j’ai jeté beaucoup et offert autour de moi, vendu des viandes à des amis au prix d’achat. Je me refuse à congeler de beaux produits. Au total, j’ai dû jeter plus de 30 % de ce que j’avais acheté au départ ! On concentre pour l’instant notre activité sur des salades, pâtes et pizzas à emporter, 14 différentes au total pour des prix allant de 8 à 12,50 €. L’idée nous est venue le lendemain de la fermeture obligatoire, lorsque des clients nous voyant ranger le restaurant ont demandé s’ils pouvaient avoir des pizzas à emporter. Les policiers étaient arrivés à 23 heures la veille, pour nous dire qu’à minuit tout le monde devait être parti. Je leur ai dit de laisser les clients terminer de manger : qu’il soit 23h59 ou 00h30 ça ne change rien pour le virus, mais on a respecté la consigne car ils auraient dû nous verbaliser sinon. J’ai échelonné les paiements de mes fournisseurs jusqu’en fin  juin, notamment pour l’alcool, que je ne peux pas vendre à emporter. Globalement, on a peu de cas de covid-19 à Châteauroux, et les gens respectent les consignes de confinement. Mais nous avons dû intervenir deux fois dans notre restaurant pour faire respecter les consignes de distanciation. »


Un avenir incertain

« Je vais demander à ma banque une avance de trésorerie. Pour l’instant je n’en avais pas besoin mais là ça va être nécessaire. Du côté de mon assurance, c’est un ami que je connais bien, et il m’a dit que s’il trouvait un moyen de tout de même m’indemniser mes pertes, il le ferait. L’État ne prend pas ses responsabilités : il devrait forcer les assureurs à payer un certain pourcentage de nos pertes. Là ils se frottent les mains, c’est un scandale. Nous essayons de rester le plus possible ouvert et je peux envisager de vendre ma maison pour sauver mon entreprise, mais je crains le pire pour les plus faibles. Ça va être très dur. »

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