Formation : une année sous haute tension

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Avec la mise en sommeil du secteur CHR pendant de longs mois et les restrictions imposées dans les lycées hôteliers, de nombreux jeunes élèves n’ont pas pu faire leur gamme dans de bonnes conditions. À l’image du quotidien de leurs futurs lieux de travail, l’année scolaire 2020/2021 a été pour eux, semée d’embûches.

Alors que l’ensemble des restaurants étaient fermés, les futures petites mains du secteur de l’hôtellerie-restauration ont peiné à trouver des lieux d’apprentissage et à suivre une formation classique. Leur année scolaire 2020/2021 a été complètement bouleversée par l’épidémie de coronavirus. Le protocole sanitaire imposé dans les établissements scolaires leur a très souvent empêché de réaliser des travaux pratiques. Un gros désavantage pour ces élèves, lorsque l’on sait que la formation de cuisinier repose avant tout sur la pratique. Les directeurs des lycées hôteliers ont donc dû s’adapter pour permettre aux élèves de faire leur gamme dans les meilleures conditions. « Dès l’annonce du confinement en octobre, la première mesure que nous avons prise dans notre établissement, c’est d’être à 100 % en présentiel sur les classes d’examen. Pour les autres classes, nous avons mis en place un système hybride. Certaines jeunes étaient en distanciel et d’autres étaient sur place. Ce système fonctionnait bien mais à partir de Noël, nous avons remarqué une certaine lassitude de la part de nos élèves », détaille Michel Mangenot, proviseur du lycée des métiers de l’hôtellerie Raymond-Mondon (Metz, 57). Claodia, élève en première année de BTS MHR au lycée hôtelier Paul Augier à Nice (06), s’est sentie très frustrée de faire plus de théorie que de pratique durant l’année scolaire. Elle avoue avoir quelque peu décroché par moment lors des cours à distance. Dans ces instants-là, le soutien de ses professeurs a été clé pour la jeune femme. Théo, élève en classe de 1ère en bac STHR, le confirme. L’année scolaire 2020/2021, rythmée par des semaines en distanciel et en présentiel, fut « compliquée ». « Lorsque nous étions sur place pour nos cours pratiques, il fallait quelque peu rattraper le retard. Les semaines étaient donc très intenses », se souvient le jeune homme.


Même constat du côté du proviseur du lycée hôtelier de La Rochelle (17) et président de l’Association française des lycées de l’hôtellerie et du tourisme (Aflyht), Cyrille Jeannes. Il a observé une grande détresse chez ses élèves à la fin de l’année 2020. « Malgré le maintien des travaux pratiques en présentiel pour toutes les classes, nous nous sommes aperçus que nous avions de nombreux étudiants qui déprimaient à partir de Noël. Nous avons dû en hospitaliser deux. Cela nous a beaucoup inquiétés », se désole-t-il. Pour insuffler un renouveau et booster la motivation des élèves, le proviseur du lycée hôtelier de La Rochelle a instauré davantage de cours en présentiel dès janvier. Chaque établissement a dû faire preuve d’ingéniosité pour trouver des solutions aux contraintes imposées par la crise sanitaire. Il était hors de question pour les directeurs des lycées hôteliers que les élèves perdent les compétences intrinsèques aux différents métiers de l’hôtellerie-restauration. Ainsi, pour compenser la fermeture du restaurant d’application du lycée des métiers de l’hôtellerie Raymond-Mondon (Metz), le proviseur a demandé aux élèves de jouer aux clients. « Concrètement, nous avions la meilleure cantine de France. Mais rapidement, nous nous sommes rendus compte que cela n’avait pas le même impact. Ce n’est pas pareil quand vous connaissez le client. La pression est différente », note Michel Mangenot. L’équipe pédagogique a alors instauré des challenges en interne pour pousser les élèves à se dépasser.

Une insertion dans le monde professionnel retardée

L’appréhension du métier passe aussi par le stress ressenti lors d’un coup de feu ou par la transmission dans les brigades. Là encore, la pandémie de coronavirus a grandement perturbé l’insertion des élèves dans le monde professionnel. Bon nombre de jeunes étudiants se retrouvent donc amputés d’une grande partie de leur formation et cela les inquiète grandement. Aux portes du monde du travail, certains craignent de ne pas avoir les acquis nécessaires. « Avec la fermeture des restaurants dès l’automne dernier, de nombreux jeunes scolarisés dans la partie cuisine n’ont pas pu se rendre en stage. Néanmoins, nous avons proposé à des élèves dans le cadre de leur formation de se former en collectivités. Mais également dans les supermarchés ou chez des traiteurs. En revanche, l’enseignement dans des cuisines dites traditionnelles n’a pu être réalisé », remarque Michel Mangenot. « Ce n’est pas bon ni pour leur motivation, ni pour leur formation. Il va manquer à ses élèves la partie entreprise, travailler avec les professionnels est essentiel », poursuit Cyrille Jeannes. Claodia l’atteste, la recherche de stage pendant le confinement n’a pas été simple. « Je voulais absolument me professionnaliser en salle. Je me suis heurtée à un mur. J’ai seulement pu faire un mois de livraison dans un restaurant », explique l’élève du Lycée hôtelier niçois.


De nombreuses écoles ont alors modifié les périodes de stages en les alignant aux dates de réouverture pour permettre aux élèves de mettre un pied dans le monde du travail. Après des mois d’attente, le messin Théo a pu faire un stage en hôtellerie au Novotel d’Amnéville (57) pendant les vacances scolaires estivales. « La recherche fut très complexe. J’ai appelé pas moins de 35 hôtels différents », note le jeune homme. D’autres ont débuté dès le mois de juin lorsque les casseroles brûlaient à plein régime et que les clients se pressaient pour redécouvrir ce plaisir d’être servis. Et ce pour le plus grand bonheur des étudiants impatients de travailler, même si parfois l’intensité de la reprise les a fortement bousculés. Pour cette rentrée, équipes pédagogiques et élèves espèrent que la pandémie de coronavirus leur permettra de renouer avec une formation plus classique.

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