Paris est connu pour être un marché particulièrement sensible à la conjoncture, « tout y est décuplé », décrit Bruno Marcillaud, directeur général du groupe Horeca et directeur de l’agence Century 21 Horeca Paris. Son statut de mégalopole à l’échelle française amplifie les phénomènes économiques, la rendant tour à tour plus forte, mais aussi plus vulnérable à la conjoncture.
Les stations de ski durement touchées
Sur le cas des fonds de commerce cependant, Bruno Marcillaud explique que la capitale n’est pas une exception. Propriétaire de 11 agences réparties dans toute la France, à Toulouse, Nice ou encore Marseille, il retrouve les mêmes problématiques partout : un marché globalement morne, surtout dans les grands centres-ville. « Il existe des disparités, relativise-t-il. À La Rochelle par exemple, les restaurateurs ont eu une respiration cet été, avec le retour des touristes, les établissements auront un petit bilan à produire en fin d’année, ce qui permettra de donner une valeur aux fonds de commerce. A contrario, les stations d’hiver vivent, elles, une véritable catastrophe. » En période normale, les stations de ski doivent déjà composer avec les aléas climatiques défavorables et un enneigement moindre.
Pourtant, la valeur des fonds de commerce tenait alors bon, comme l’explique Bruno Marcillaud. « Les affaires se vendent très bien dans les stations alpines, mentionne-t-il. Ce sont généralement de beaux établissements, en ce qui concerne les hôtels notamment, dans des endroits qui brassent une grosse clientèle domestique et étrangère. » Avec des remontées mécaniques fermées sur tout ou partie de la saison, la constitution d’un bilan risque de se révéler particulièrement complexe pour les propriétaires, et l’impact de la crise sur les échanges « pourrait bien se faire ressentir plus fort là-bas qu’ailleurs ».
À Lyon, la crise casse la bonne dynamique
À Lyon aussi, la crise sanitaire se fait ressentir sur les fonds de commerce. « Le marché lyonnais est un marché hors Covid plutôt favorable et dynamique, analyse Mikaël Dumortier, directeur de l’agence Immopro, qui réalise en moyenne une centaine de transactions à l’année en temps normal. Nous avons une grosse concentration d’établissements, notamment de restaurants, avec des taux de rotation très importants, comme dans tout le secteur CHR. » La capitale de la gastronomie a pris de plein fouet la fermeture des restaurants, avec des conséquences immédiates sur le marché des fonds de commerce. Actif dans toute la métropole depuis 10 ans, Immopro a constaté un ralentissement immédiat et important des ventes à partir du premier confinement. Les mesures sanitaires et l’impossibilité de faire réaliser les visites ont été une première raison.
« On manque en outre d’acheteurs car ces derniers ont du mal à estimer la valeur des biens sans en connaître la clientèle, mais aussi de vendeurs qui préfèrent attendre une conjoncture plus favorable », ajoute Mikaël Dumortier. Ce n’est pourtant pas dans le centre-ville que les conséquences du coronavirus seront les plus graves, assure le dirigeant d’Immopro. « L’ensemble de Lyon intra-muros, et de l’est de la métropole, de Villeurbanne à Saint-Priest, devrait pouvoir redémarrer sans trop de soucis, pense-t-il. Dès que les touristes pourront revenir et que les établissements rouvriront, l’activité reprendra. » La périphérie cependant, et les zones plus rurales de l’agglomération, pourrait ressentir plus longtemps les effets de la crise. Sur l’année 2020 en globalité, Immopro a divisé son activité — et son chiffre d’affaires — par deux, d’après son dirigeant.
Mikaël Dumortier, fondateur d'Immopro
Dans l’optique d’une relance des échanges de fonds de commerce, un dernier point d’interrogation subsiste, celui de l’endettement. « Toute entreprise peut être vendue, mais pas en dessous du montant de ses dettes, explique Mikaël Dumortier. Cela peut arriver notamment avec des entreprises qui ont été rachetées dernièrement et qui ont subi immédiatement la baisse d’activité. » Un cas rarissime jusqu’alors, mais qui pourrait bien devenir plus fréquent en 2021 avec la multiplication des PGE et autres facteurs d’endettement, comme les reports de charges, ou les loyers impayés.
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