Discothèques : les grandes oubliées du plan de réouverture

  • Temps de lecture : 4 min

Pour les discothèques, aucune date n’a été annoncée dans le plan de réouverture. Ces établissements, fermés depuis plus d’un an, garderont donc portes closes jusqu’à nouvel ordre. Une décision qui ne passe pas auprès des professionnels de la nuit, qui espéraient enfin avoir des perspectives à plus ou moins long terme.

Ne cherchez pas, elles n’y figurent pas. Dans le plan de réouverture, élaboré par le gouvernement de Jean Castex, les quelque 1.600 discothèques françaises sont les grandes oubliées. Alors que les restaurants, bars et salles de concerts disposent désormais de perspectives, les boîtes de nuit restent dans l’incertitude totale. Depuis le 15 mars 2020, ce sont les seuls établissements qui n’ont pas été autorisés à rouvrir. « Nous avons été complètement éjectés du plan de réouverture, nous sommes le vilain petit canard. Pour notre secteur, il n’y aucune lueur d’espoir. C’est un non catégorique. Il n’y a ni vision, ni alternative », constate Jimmy Santovito, DJ dans le Tarn. Il faudra donc encore attendre pour pouvoir fouler la piste de danse. Les professionnels oscillent entre désarroi et incompréhension.

Une différence de traitement inexplicable

Dès le 30 juin, les salles de spectacle et lieux culturels pourront ouvrir leurs portes et accueillir jusqu’à 5.000 personnes avec le pass sanitaire. Pour l’ensemble de la profession, cette différence de traitement est sans fondement. De plus, très peu d’établissements de nuit peuvent recevoir autant de public. La capacité de la majorité des discothèques est de moins de 300 personnes. Les Umih viennent d’ailleurs de déposer un référé-liberté devant le Conseil d’Etat le 5 mai pour permettre la réouverture des discothèques à compter du 30 juin. « Expliquez-moi la différence entre des gens qui chantent, dansent et se collent dans une salle de concert et les boîtes de nuit ? Ne cherchez pas trop loin, il n’y en a pas ! Il y a une envie de nous tuer », souffle Jimmy Santovito, alias Jim-X. Quant au gérant du Magazine Club à Lille, Pierre-Olivier Watson, il se désole : « Nous sommes traités différemment des salles de concerts, et cela je ne l’explique pas. Le cas des discothèques n’est jamais évoqué ni dans les médias ni dans la bouche de l’exécutif. Il y a énormément de condescendance à l’égard de notre profession. » L’incompréhension est double pour ce représentant de l’Umih Hauts-de-France puisqu’il exploite son club comme une salle de concert. Il dispose d’une billetterie et met en place une véritable programmation artistique. Si les concerts reprennent bel et bien en juin, comme c’est annoncé, il n’y a donc aucune raison selon lui pour que les discothèques soient « mises sur la touche ».

À lire aussi : Les Umih déposent un référé pour ouvrir les discothèques le 30 juin

Une mauvaise image infondée

Selon eux, cette différence de traitement est en partie due aux stéréotypes qui collent au monde de la nuit. « Nous ne bénéficions pas du même soutien populaire que les restaurateurs. En cause cette mauvaise image dont les discothèques n’arrivent pas à se défaire. Nous sommes associés à des dealers, des mafieux… Il n’en est rien », explique Jim-X. Pierre-Olivier Watson partage entièrement le constat de son compère DJ et peut lui aussi énumérer de nombreux clichés sur les discothèques. D’ailleurs, lorsque les gens lui demandent ce qu’il fait dans la vie, il préfère évoquer son autre secteur d’activité : la restauration. « Je préfère ne pas trop en parler, sinon ils me regardent de travers », confie-t-il. D’après les deux professionnels, le soutien des politiques est à l’image de celui de l’opinion publique. « Je pense que l’attitude des politiques dit tout. Ce sont des gens qui sortent de grandes écoles, qui ont toute leur vie eu une certaine approche idéologique des boîtes de nuit. Selon eux, la fête est exotique. C’est quelque chose qui leur est complètement étranger », souligne Péo. « Nous n’avons pas pu discuter avec eux d’un protocole sanitaire. C’est un refus catégorique », poursuit-il.

Un secteur très fragile

Malgré le plan d’aides et le fonds de solidarité, arrivés tardivement, certains établissements ont fermé. Selon les syndicats professionnels, 160 établissements ont d’ores et déjà mis la clé sous la porte et une centaine a été placée en redressement judiciaire. La crise sanitaire est venue bouleverser un secteur déjà très fragilisé. En 30 ans, la France a vu disparaître plus de la moitié de ces boîtes de nuit. Les prochains mois de fermeture n’augurent rien de bon. « Nous serons fermés tout juillet et août, c’est encore une nouvelle saison d’été blanche. Certes, il y a les aides fournies par le gouvernement mais cela ne compense pas les pertes », s’inquiète Jim-X. « Aujourd’hui nous nous sommes endettés juste pour maintenir notre trésorerie à flot. C’est une catastrophe. Mais ce qui mine le plus le moral des exploitants, au-delà de leur trésorerie, c’est l’absence totale de visibilité », insiste Péo. Ce passionné, qui considère les boîtes de nuit comme « indispensables dans l’équilibre social », espère que les derniers résultats probants des concerts tests à l’étranger pourront faire bouger les lignes.

PARTAGER